Étude de cas - Electronics Watch : Utiliser le pouvoir des achats publics pour obtenir le plus grand remboursement de frais de recrutement de travailleurs et travailleuses migrantes Auteur : Peter Pawlicki, Electronics Watch Project / Programme Electronics Watch Région / Pays Thaïlande et Europe Site Web https://electronicswatch.org/fr Circularité Réduction des risques de travail forcé Résumé Electronics Watch est une organisation indépendante de surveillance qui permet aux acheteurs publics de faire le suivi des chaînes d’approvisionnement et de vérifier que les critères sociaux établis dans les contrats d’équipements de technologies de l’information et des communications (TIC) sont respectés. Le modèle adopté par Electronics Watch, basé sur un dispositif de surveillance ayant pour moteur les travailleurs et travailleuses et un engagement de la part de l’industrie, s’est avéré être un tel succès qu’il est devenu la norme acceptée au niveau international en matière de marchés publics. En 2019, Electronics Watch, ses affiliés et partenaires locaux ont apporté leur soutien à plus de 10 000 travailleuses et travailleurs ayant migré en Thaïlande, qui ont ainsi été remboursés des frais illégaux de recrutement qui leur étaient exigés. À propos du projet Les acheteurs publics, et notamment les universités, les hôpitaux, les comtés, les villes et autres institutions publiques, achètent de grandes quantités de matériel électronique : des ordinateurs de bureau, des ordinateurs portables, des serveurs, des téléphones portables ou encore des imprimantes. Les contrats auprès des grandes enseignes de l’électronique sont signés sur plusieurs années, ce dont les acheteurs peuvent tirer parti pour répondre aux préoccupations des travailleurs et travailleuses en matière de droits et d’environnement dans leurs chaînes d’approvisionnement. Electronics Watch est un réseau qui regroupe des partenaires consacrés au suivi des entreprises et plus de 330 acheteurs publics en Europe. Les partenaires du mécanisme de surveillance proviennent d’organisations de la société civile, situées à proximité des communautés de travailleurs et travailleuses dans les régions de production. Elles utilisent une méthodologie axée sur les travailleurs et travailleuses pour détecter les menaces envers les droits du travail et les violations commises dans les usines. À partir de leurs rapports, Electronics Watch engage le dialogue auprès des enseignes, des entreprises et de l’association des industriels Responsible Business Alliance (RBA). Leur objectif consiste à rechercher des solutions aux menaces et violations mises en évidence. Dans le seul domaine de la surveillance et de la transparence dans les chaînes d’approvisionnement, en 2020 Electronics Watch a réalisé les actions suivantes : Examen de la chaîne d’approvisionnement des principaux fabricants d’équipements originaux (OEM), soit 71 fournisseurs. Publication d’une évaluation de risques au Vietnam à niveau régional. Évaluation des risques dans 10 usines. Documentation et réponse aux plaintes concernant les droits du travail dans cinq usines. Neuf enquêtes complètes sur la conformité des usines. Négociations auprès de huit enseignes pour améliorer les conditions. Vérification dans sept usines de l’amélioration des conditions. Risques de travail forcé en Thaïlande En 2016, Migrant Worker Rights Network (MWRN), un partenaire d’Electronics Watch, a documenté des violations aux droits du travail à Cal-Comp en Thaïlande. Le personnel, composé de migrantes et migrants du Myanmar, employé en sous-traitance dans deux entreprises de Cal-Comp en Thaïlande risquait d’être contraint au travail forcé en raison d’une servitude pour dettes et de la rétention de documents d’identité. Cette servitude pour dette était liée aux frais excessifs de recrutement. À l’époque, Cal-Comp fournissait des imprimantes, des disques durs externes et d’autres périphériques informatiques aux grandes enseignes telles que HP, Seagate et Western Digital. Une large proportion des employées de Cal-Comp en Thaïlande étaient des migrantes provenant du Myanmar. Electronics Watch et MWRN ont réuni les preuves de nombreuses violations aux droits du travail, notamment : Les passeports et d’autres documents d’identité étaient retirés aux travailleurs et travailleuses, et conservés. Les travailleurs et travailleuses migrantes devaient payer des frais de recrutement et des frais connexes pour obtenir un poste à Cal-Comp. Ces frais de recrutement étaient excessifs et illégaux. Ils équivalaient à entre 30 et 90 jours de salaire. Electronics Watch a appris que des agents pour l’emploi avaient tenté d’obliger les travailleurs et travailleuses de Cal-Comp à mentir auprès des auditeurs sociaux sur les frais de recrutements et autres frais connexes. Ces agents les avaient menacées, leur affirmant que s’ils et elles dénonçaient tous leurs frais lors des expertises à venir, les acheteurs retireraient leurs commandes, ce qui aurait pour effet de réduire considérablement leur nombre d’heures supplémentaires, voire de leur faire perdre leur travail. Engagement du secteur Les principales enseignes associées aux usines, Cal-Comp et la RBA ont reçu le rapport de conformité sur l’ensemble des observations. La RBA a mené ses propres expertises sociales indépendantes, avant d’élaborer des projets d’action corrective. MWRN et Electronics Watch en ont suivi les répercussions, tenant les travailleurs et travailleuses étroitement informées. Après plus de trois ans de recherches, de suivi et d’engagement auprès des enseignes, du fabricant et de la RBA, Electronics Watch et MWRN ont pu obtenir des améliorations remarquables : Depuis 2017, les travailleurs et travailleuses migrantes employées par Cal-Comp conservent leurs passeports et leurs permis de travail. En novembre 2019, Cal-Comp a intégralement remboursé plus de 10 570 travailleurs et travailleuses lors du plus grand remboursement de frais de recrutement pour des travailleurs et travailleuses migrantes jamais réalisé par une seule entreprise. Cal-Comp a arrêté d’embaucher des travailleurs et travailleuses migrantes en attendant la mise en place de politiques éthiques de recrutement qui veillent à ce que personne ne paye pour travailler à Cal-Comp. Conclusion Ce cas montre combien le modèle que suit Electronics Watch ayant pour moteur les travailleurs et travailleuses est essentiel pour la détection et la réponse au travail forcé. Le rapport qu’entretient MWRN avec les travailleurs et travailleuses au quotidien et son travail soigneux pour consigner leurs expériences de recrutement ont été des éléments essentiels pour appréhender l’étendue des risques de travail forcé et des servitudes pour dettes. Il a également permis de déterminer les remboursements et les réparations qui leur étaient dus. Un engagement constant d’Electronics Watch auprès des industries, associé au soutien de ses affiliés et la communication entretenue auprès de leurs fournisseurs, est essentiel pour prendre des mesures correctives face aux violations et améliorer les conditions de travail. Les achats publics ont une grande capacité d’effet de levier sur les chaînes d’approvisionnement dont ils peuvent se servir pour favoriser des améliorations durables pour les travailleurs, les travailleuses et les communautés affectées. Pour être en mesure d’apporter un changement positif, les acheteurs publics doivent pouvoir compter sur une vérification réalisée par un organisme de surveillance indépendant. Références et lectures complémentaires Rapport de conformité Cal-Comp. https://electronicswatch.org/en/compliance-report-update-cal-comp-samut-sakorn-and-petchaburi-thailand-october-2018_2555998.pdf Cal-Comp: Une leçon sur l’importance de la surveillance par les travailleurs et travailleuses pour en finir avec le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. https://electronicswatch.org/cal-comp-a-lesson-in-the-importance-of-worker-driven-monitoring-to-end-forced-labour-in-global-supply-chains-february-2020_2569307.pdf Proposition de correctif pour les travailleurs et travailleuses de Cal-Comp. https://electronicswatch.org/en/remedy-proposal-for-cal-comp-thailand-workers-february-2019_2556087.pdf Rapport annuel d’Electronics Watch de 2020. https://electronicswatch.org/electronics-watch-annual-report-2020_2591374.pdf Note de bas de page [1] Electronics Watch. (2020, 28 février). Largest settlement of migrant worker recruitment fees in any one company - how did we get there? https://electronicswatch.org/en/largest-settlement-of-migrant-worker-recruitment-fees-in-any-one-company-how-did-we-get-there-_2569363