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Étude de cas - Association des réparateurs de GSM : Formations et création d’opportunités / d’emploi pour les réparateurs de téléphones portables au Nigeria

Écrit par Y. Z. Ya'u, Centre for Information Technology and Development (CITAD)

Projet / Programme

GSM Repairers Association

Région / Pays

Nigeria

Site web

Acun

Circularité

Allonger la durée de vie utile des téléphones portables; renforcer les capacités et créer des opportunités économiques; déchets électroniques.

Résumé

Au Nigeria, alors que quatre grandes entreprises se consacrent à l’assemblage d’ordinateurs portables et de bureau, aucune entreprise ne fabrique ou n’assemble de téléphones portables.[1] Or la population a pris conscience de leur utilité au niveau économique, si bien que les prix autrefois abordables ont augmenté, et la récession économique n’a fait qu’exacerber cette tendance. Cela a notamment eu pour conséquence la hausse du secteur de la réparation, accompagnée d’un boom du marché des portables d’occasion. Ce mouvement tourné vers la réparation, qui s’inscrit dans le secteur des technologies de l’information et des communications (TIC), peut être considéré comme une pépinière de l’économie circulaire dans le pays. Ce phénomène se répète à niveau national, même s’il est bien plus considérable dans les capitales d’État dont la densité de population est plus élevée. Les associations de réparateurs de téléphones portables ont donc vu le jour un peu partout dans le pays, et l’une d’entre elles, GSM Repairers Association, a une portée nationale.

À propos du projet

Au Nigeria la vente de licences dans le cadre de la dérégulation du secteur des télécommunications a permis le lancement de ses réseaux GSM dès 2001. Si le nombre de réseaux est resté stable avec quatre réseaux installés dans le pays, le nombre d’abonnées a quant à lui connu une croissance rapide, atteignant les 190 millions d’utilisateurs et d’utilisatrices en 2020 selon les chiffres de la Commission nigérienne des communications (NCC), le régulateur des télécommunications.

Le pays ne fabriquant pas de téléphones portables, les utilisateurs et utilisatrices dépendent donc de l’importation d’appareils. Dès 2002, de nombreux artisans ont appris à les réparer et ont commencé à s’organiser en groupes pour se perfectionner et améliorer leurs conditions de travail.

Plusieurs associations de réparateurs de téléphones portables ont ainsi vu le jour, notamment la National Association of Mobile Phone Engineers (l’Association nationale des ingénieurs des téléphones portables) ou encore l’Association of Handset Hard and Software Repairers (l’Association des réparateurs d’appareils et de logiciels). La GSM Repairers Association (l’Association des réparateurs de GSM) est présente sur tout le territoire, avec des sections dans de nombreuses villes, notamment à Lagos, Katsina, Kano, Abuja et Yobe.

Stimuler l’expérimentation et le renforcement des capacités 

L’association a pour objectif d’offrir une plateforme qui serve les intérêts commerciaux des réparateurs de téléphones portables, et leur propose des opportunités pour enrichir leurs compétences. Ne comptant à l’origine que quelques membres à Lagos, l’association couvre aujourd’hui le pays avec plus de 80 000 membres dans tous les États de la fédération, et des sections locales dans presque tous les gouvernements locaux, au nombre de 744.

Le principal intérêt de cette initiative réside dans le fait que les associations locales servent de laboratoire pour réaliser des expériences et renforcer les capacités. Les réparateurs de GSM qui travaillaient de manière artisanale sont ainsi devenus des techniciens compétents et extrêmement bien formés, capables de travailler dans le secteur des technologies de pointe. L’association leur a par exemple permis de comprendre les principales différences techniques entre les appareils les plus couramment utilisés, et elle a aidé à la transition de nombreux réparateurs d’ordinateurs vers la réparation de téléphones, passant ainsi de la réparation mécanique au diagnostic de logiciels.

L’une des expériences menées à bien a consisté à extraire les éléments des batteries et de les utiliser pour l’éclairage des maisons ou pour faire fonctionner des appareils comme les ventilateurs. Des batteries d’appoint ont également été créées à partir d’éléments non utilisés, ainsi que des prises IC adaptables à n’importe quel téléphone.

Le plus souvent, les activités de réparation de GSM se font dans des bâtiments publics, mais il existe également des espaces de travail plus informels. Certaines personnes, surtout des femmes, réparent les téléphones à leur domicile. Même si l’on observe une évolution depuis cinq ans, avec un mouvement graduel vers le secteur industriel, ce phénomène ne s’est pas encore généralisé.

Le marché de la réparation de téléphones portables au Nigeria

Le marché du téléphone portable est devenu un volet essentiel de l’économie, du transfert des compétences techniques et de l’incubation d’entreprises. Même si le secteur informel y est largement représenté, c’est un secteur segmenté en trois niveaux.

En haut de l’échelle, quelques entreprises formelles se chargent des aspects les plus techniques de la réparation. Elles ont leur propre association, Mobile Handsets Repairers. Concentrées pour la plupart à Lagos, elles proposent également le plus souvent des appareils à vendre. De plus gros acteurs tentent également de percer ce marché, comme Cellular Services Logistics (CSL), une succursale du Centre de projets Phillips, qui a ouvert à Lagos une usine de réparation et reconditionnement pour les téléphones portables de toutes sortes.

Au milieu de l’échelle, on a les réparateurs et réparatrices qui travaillent dans les centres de réparation publics, dont les sections locales font partie de la GSM Repairers Association. Ces particuliers, sans entreprise formalisée, réalisent des réparations et vendent des appareils et accessoires d’occasion.

Au troisième niveau se trouvent les personnes qui ne sont affiliées à aucune des associations mentionnées ci-dessus. Travaillant dans des locaux en dehors des centres gouvernementaux, la plupart fonctionnent hors des capitales d’États, ou dans certains quartiers des grandes villes.

Niveaux de formation dans le secteur

De nombreux acteurs offrent des formations dans le domaine de la réparation. Tout d’abord, les formations artisanales, avec un maître qui enseigne de manière informelle à une apprentie. Certains organismes de formation, y compris des organisations de la société civile, proposent également des formations, la plupart du temps financées par des politiciens ou le gouvernement, dans le cadre de programmes pour l’emploi des jeunes. Ainsi, en 2018 et 2017, le gouvernement de l’État de Kano a engagé CITAD pour former respectivement 1000 et 500 jeunes à la réparation des téléphones portables. Après quoi, pour les aider à s’installer, le gouvernement d’État leur a fourni des kits de réparation accompagnés d’une somme d’argent destinée à la location d’un magasin.

De nombreux membres de la Mobile Handsets Association offrent des formations axées sur la vente.

La Direction nationale pour l’emploi créée en 1987 a ajouté des formations en réparation de téléphones portables à son offre de formations destinées aux jeunes, conformément à la vision du gouvernement qui s’intéresse à la réparation de téléphones portables comme une manière de promouvoir les entreprises dirigées par des jeunes. Ce soutien supplémentaire entre dans le cadre du Programme d’aide à la réinsertion sous forme de prêts.

Le gouvernement, à travers le ministère fédéral de l’Éducation, a également incorporé des formations dans le programme scolaire du secondaire. En théorie, tous les élèves peuvent choisir cette option, même si en réalité, très peu d’établissements disposent aussi bien des outils, du matériel que du personnel enseignant et technicien nécessaires pour offrir une formation adéquate qui dépasse la simple passation d’examens.

Le 13 septembre 2020, en partenariat avec le Bureau nigérian du développement et du contrôle des contenus, l’Agence nationale pour le développement des technologies de l’information a entrepris de former en ligne 1000 jeunes en réparation de GSM.

Réparation des portables les plus courants

Le système de formation de l’Association des réparateurs de GSM a obtenu des résultats importants. Le premier est qu’aujourd’hui il n’y a virtuellement plus aucune communauté sur le territoire où on ne puisse trouver des services de réparation de téléphone. Les activités menées ont contribué à la propagation des compétences et du savoir, répondant ainsi aux besoins en matière de réparation de téléphones portables. Le second est que les activités de formation ont conduit à créer plusieurs programmes de formation proposant une spécialisation en matériel informatique et en logiciels. Ces programmes de formation ont ensuite amené les grosses entreprises, puis les agences gouvernementales de TIC et de l’emploi à mettre sur pied des programmes bien développés. De plus, cette initiative a abouti à l’intégration de cours de réparation de téléphones portables dans les établissements secondaires du pays. Enfin, des multinationales ont ainsi décidé de proposer une spécialisation axée sur la gestion logistique des pièces détachées destinées à la réparation des téléphones portables, ce qui a ouvert un nouveau secteur d’activité. 

Défis

L’association a cependant dû faire face à un certain nombre de défis, qu’il est nécessaire de comprendre pour mieux pouvoir s’adapter à la promotion de l’économie circulaire. L’une des conséquences négatives de l’initiative découle des compétences qu’elle a développées. Les grandes entreprises en ont profité pour implanter davantage de succursales de réparation, ce qui va compliquer la capacité de l’initiative à absorber un grand nombre de jeunes sans emploi. Les grandes entreprises disposent en effet de davantage de ressources pour s’approvisionner en équipement et outils de meilleure qualité, et être plus productifs que des particuliers ou des coopératives. De plus, cela ralentira la vitesse de dispersion des compétences dans la société.

Il est également nécessaire de sensibiliser les membres de la GSM Repairers Association de tout le pays aux possibles dangers sanitaires et aux méthodes pour éliminer les déchets électroniques en toute sécurité. Il convient en outre de réglementer le mode de fonctionnement pour les membres de l’association : créée indépendamment du gouvernement, son cadre réglementaire est quasi inexistant en matière de gouvernance et il en va de même pour la planification de politiques susceptibles de tirer profit de l’initiative et d’encourager le mouvement national vers l’économie circulaire.

En dernier lieu, les femmes sont bien moins nombreuses que les hommes à travailler dans ce secteur. Celles qui le font travaillent le plus souvent depuis leur domicile, avec un accès limité à la clientèle et aux parts de marché. L’inclusion des femmes dans le secteur de la réparation est donc l’un des principaux défis au Nigeria. 

Conclusion

Malgré les possibilités offertes au Nigeria en matière de formation et de soutien pour la réparation des téléphones portables, la GSM Repairers Association reste essentielle. Comme on l’a vu, le pays a encore des questions importantes à résoudre. Le gouvernement doit veiller au respect de sa politique relative aux déchets électroniques, mais il doit aussi modifier sa manière de considérer le secteur, ne plus y voir une simple opportunité de création d’emploi mais bien un embryon de la construction d’une capacité nationale en matière d’économie circulaire dans le secteur des TIC. Le gouvernement devrait également offrir une meilleure protection aux réparateurs et réparatrices face aux industriels susceptibles de vouloir ralentir la croissance du mouvement de réparation et de réutilisation par la conception de leurs produits. Dans le pays, aucune voix de la société civile ne s’élève encore pour insister sur le droit à la réparation, ce qui serait pourtant essentiel pendant la transition actuelle.

pic1.pngGSM repair trainees in a classroom.

pic2.pngFront view of a GSM repair estate/market in Kano.

pic3.pngMembers of the GSM Repairers Association undergoing training.

pic4.pngThe Kano State Government distributed GSM repair kits to trained youth in the Government House.

 

Références et lectures complémentaires

Zonux : https://zinoxtechnologies.com

Beta : https://www.beta-computers.com

Omatek : https://omatek.ng

Brian Integrated Systems : https://brianintegratedsystems.com

National Directorate of Employment Vocational Skills Development Programme : https://nde.gov.ng/programs/vocational-skills-development-programme-vsd

Dans l'Observatoire mondial de la société de l'information 2020 (GISWatch en anglais), vois les rapports de pays suivants :

Argentine : https://www.giswatch.org/node/6265

Bangladesh : https://www.giswatch.org/node/6266

Costa Rica : https://www.giswatch.org/node/6267

République démocratique du Congo : https://www.giswatch.org/node/6232

Inde : https://www.giswatch.org/node/6234

Nigeria : https://www.giswatch.org/node/6237

Notes de bas de page

[1] Il s'agit de Zinox (https://zinoxtechnologies.com), Beta (https://www.beta-computers.com), Omatek (https://omatek.ng) and Brian Integrated Systems (https://brianintegratedsystems.com).