Module 11 : Défis et pistes vers des solutions politiques : sensibilisation, extraction, conception, fabrication et approvisionnement
Si l’extraction formelle et informelle ont toutes deux désespérément besoin de réglementation, les secteurs de la conception et de la fabrication d’appareils doivent veiller à ce que les matériaux obtenus et utilisés respectent les droits environnementaux, du travail et des personnes. Les acheteurs publics, quant à eux, ont la possibilité de s’appuyer sur leur pouvoir économique pour inciter le secteur technologique à s’améliorer.
Objectifs, responsabilités et procédures
Les analyses de haut niveau des mesures politiques incluses dans ce module et dans le Module 12 ont été réalisées selon le prisme de la "durabilité" et de la "circularité". Procéder à une évaluation approfondie des mécanismes de politiques et réglementations existants, nécessaires ou recommandés serait irréalisable. Les politiques et réglementations dépendent de conditions et d’enjeux à niveau local, qui peuvent varier selon le pays ou la région. Les grands objectifs de la durabilité définis à niveau international doivent être traduisibles et adaptables aux façons de faire locales, par le biais de subventions et d’aides locales qui contribuent à garantir l’efficacité de l’action collective en faveur d’une réduction des impacts environnementaux et sociaux.[1] Les suggestions de mesures politiques doivent être vérifiées et soigneusement transposées aux conditions locales, car certains effets en sont imprévisibles.
De manière générale, il convient de définir clairement les éléments des législations et réglementations suivants :
- Les buts et cibles de la politique, législation ou réglementation.
- Les rôles ainsi que la distribution des responsabilités et obligations de chacun de ces rôles.
- Les procédures associées à chacune des tâches :
- la délivrance d’autorisations (certifications, licences, etc.) des acteurs et actrices, pour qu’ils et elles soient habilitées à réaliser ces tâches; et
- la production de rapports et les contrôles ou audits requis afin de veiller à la conformité des tâches réalisées, et d’évaluer les impacts sur les personnes et l’environnement.
C’est en ces termes que nous aborderons les différents défis et les pistes vers des solutions politiques.
Sensibilisation du public
Les buts et cibles
La transition d’une économique linéaire vers une économie circulaire peut contribuer à garantir que l’humanité parvienne à des objectifs sociaux communs, tout en demeurant dans les limites écologiques, conformément aux cibles définies dans les Objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU, illustrées dans "le diagramme en forme de beignet" de "l’espace viable pour l’humanité"[2]décrit au Module 2.
Les responsabilités
Les institutions publiques, locales comme mondiales, sont responsables de la sensibilisation individuelle et collective à cette transition. Il leur incombe en effet de veiller à ce que cela se déroule au rythme adéquat, en aidant les citoyennes et les organisations à définir leurs engagements – en soutenant notamment les efforts nécessaires à leur mise en œuvre – et en les informant des résultats de ces actions collectives.
Les procédures
Les programmes d’éducation publique peuvent aider les citoyennes à prendre conscience des avantages à la fois environnementaux et sociaux des modèles circulaires, de l’irréalisme du modèle linéaire "prendre/faire/gaspiller" et des droits et possibilités que leur offrent les modèles commerciaux circulaires. Ces programmes peuvent adopter des stratégies de communication communautaires et le langage utilisé par les jeunes pour que les citoyennes se sentent partie intégrante de la solution (voir p. ex. le travail de la coopérative sociale INSIEME à Vicence, en Italie).[3]
Il est indispensable d’assurer la transparence et la redevabilité des gouvernements et des agences de réglementation à propos de l’impact environnemental des appareils numériques. Les agences publiques doivent respecter les droits des citoyennes de connaître l’impact environnemental et la responsabilité sociale des appareils en fin d’utilisation. Ceci inclut les informations portant sur ce que font les acheteureuses avec leurs appareils, et ce que font les fabricants et recycleurs avec les appareils collectés pour le recyclage. Le besoin de rapports exhaustifs sur la mesure dans laquelle les systèmes intégrés de gestion des déchets sont mis en place est réel. La publication de données sur les appareils numériques est indispensable pour comprendre, rendre compte de, contrôler ou vérifier leur circularité.
La recherche en économie circulaire et la création de bases de données publiques sur la durabilité, la réparabilité, la réutilisabilité et la recyclabilité des appareils numériques peuvent contribuer à accélérer l’adoption et l’optimisation des avantages de pratiques et modèles circulaires. Il est indispensable de pouvoir disposer de données ouvertes sur la redevabilité, réaliser des audits sur la durabilité et les impacts environnementaux des appareils et mettre en place des mécanismes semblables aux "passeports produits" de l’UE.[4]Les données ouvertes relatives à la durabilité réelle des appareils aideront les consommateurs·rice·s à prendre des décisions éclairées et les encourageront à acheter des appareils plus durables.[5]
La sensibilisation du public peut favoriser l’instauration de nouvelles réglementations qui imposent aux fabricants d’inclure des détails sur leurs produits, tels que ceux indiqués à la Figure 16.
Figure 16 : Exemple d’étiquette d’informations d’une ampoule LED, incluant la durabilité escomptée et les détails relatifs à la consommation. Des étiquettes semblables sur des appareils numériques pourraient aider les consommateur·rice·s à choisir en ayant conscience de la circularité.
L’extraction et l’obtention de matières premières
Les buts et cibles
Dans un modèle circulaire, l’acquisition de matières premières nécessite de limiter la quantité et l’impact des matières premières extraites du sol et de maximiser l’utilisation de matières premières secondaires, telles que les ressources récupérées du recyclage d’anciens appareils. Dans la situation actuelle, l’extraction est trop éloignée de l’économie "propre", que ce soit vis-à-vis des personnes ou de la planète.
L’une des principales difficultés est que l’extraction informelle est souvent "illégale", elle a des conséquences désastreuses sur les personnes, les communautés locales et leur territoire, elle est associée à des conflits armés et entraîne des violations des droits humains et la dégradation de la nature. Le recyclage informel de déchets électroniques peut ainsi provoquer des contrôles quasi mafieux des recycleurs informels, des enfreintes aux droits humains et l’exposition des recycleurs aux substances toxiques présentes dans les déchets électroniques.
Mettre fin à de mauvaises pratiques industrielles et à une extraction et un recyclage informels néfastes nécessite à la fois une réglementation externe et une auto-réglementation.
Les responsabilités
Les gouvernements sont responsables de superviser et de circonscrire les opérations des entreprises d’extraction, ainsi que les lieux où elles travaillent, et sont notamment tenus de surveiller l’impact potentiel de leurs activités sur les communautés locales. Le traitement adéquat des déchets de l’extraction qui pollue souvent les ressources naturelles est une composante essentielle de cette réglementation. Les entreprises internationales doivent être contraintes de respecter les lois relatives aux violations des droits humains qui pourraient survenir dans le cadre de leurs opérations d’extraction.
Les gouvernements ont également la responsabilité d’adopter des lois qui interdisent les activités d’extraction non réglementées et/ou inhumaines, et de répondre aux besoins socio-économiques des communautés qui pourraient tirer un avantage de l’extraction illégale. Les violations des droits humains qui ont lieu dans le cadre de l’extraction artisanale, et notamment les violences basées sur le genre et la violation des droits des enfants, doivent faire l’objet d’une attention immédiate et être éradiquées.
Les gouvernements et les entreprises sont responsables d’intégrer le recyclage informel des déchets électroniques dans la chaîne de valeur du recyclage, de manière à la fois sûre et responsable.
Les procédures
Seuls la transparence, la redevabilité et des audits détaillés soumis au contrôle du public et faisant l’objet de fortes pressions de la part de l’ensemble des parties prenantes de l’économie circulaire peuvent contribuer à limiter et supprimer de mauvaises pratiques d’extraction et de recyclage.
Nous devons trouver des manières de démontrer aux sociétés d’extraction que l’adaptation de leurs plans de développement au concept de l’économie circulaire peut constituer une réduction de leurs coûts, mais également une augmentation de leur compétitivité. Si l’extraction artisanale est principalement une activité de subsistance qui entraîne des conditions de vie et de travail misérables sans alternative viable, les grandes entreprises extraction peuvent, elles, en théorie, être plus redevables. Elles ont en effet accès à des experts, des indicateurs et aux capacités notamment techniques avec lesquels opérer des changements. Il est probable que la seule manière d’obtenir de réels changements soit par le biais des pressions exercées par les marchés (la demande en aval des investisseurs ou des fabricants et indirectement, des consommateur·rice·s qui réclament que leurs produits numériques contiennent des matériaux certifiés) et par les gouvernements (avec des politiques et réglementations, bien que la corruption institutionnelle – endémique dans le secteur de l’extraction – aille à l’encontre de cela).
Atténuer les émissions n’est pas la même chose que les compenser. Les politiques publiques doivent promouvoir l’atténuation (soit l’amélioration des processus) pour compenser les coûts supplémentaires de l’inaction qui permet à des entreprises de continuer à polluer en échange du versement de sommes ridicules.
L’augmentation des matières premières secondaires contribue à la circularité. Ces matières sont des déchets de processus industriels ou obtenues d’appareils en fin de vie grâce à l’extraction urbaine. Il pourrait être nécessaire, pour encourager cela, que les gouvernements imposent aux concepteurs et aux fabricants de nouveaux produits des quotas obligatoires de proportions de matériaux recyclés dans leurs nouveaux produits, des taxes sur la consommation de matériaux, et la traçabilité et la responsabilité quant aux sources des matériaux utilisés dans la production (tant en termes d’impact sur l’environnement que sur les travailleureuses).
Le recyclage informel des déchets électroniques doit faire l’objet de nouvelles recherches pour être mieux compris et inclus dans la chaîne de recyclage des déchets électroniques, de manière à la fois responsable et respectueuse de l’environnement. Ceci pourra nécessiter de la pédagogie et de la formation, ou d’autres formes de développement des capacités et des infrastructures, notamment la fourniture d’équipements de protection et la mise en place d’espaces de travail sans danger.
La conception
Les buts et cibles
La circularité requiert des appareils durables. Il faut donc que les appareils numériques soient conçus pour durer plus longtemps et être mieux réparables et réutilisables.
Les responsabilités
Les gouvernements sont responsables de réglementer la conception des appareils achetés et vendus sur leurs marchés. Les marques et les fabricants assument la responsabilité corporative de prévenir les impacts négatifs des appareils fabriqués par le biais d’une conception circulaire, en ayant à l’esprit l’efficacité énergétique, la réparabilité, la durabilité, l’évolutivité, la réutilisabilité et le démontage.
Les procédures
De nombreux pays ont introduit des lois qui réglementent et facilitent non seulement le démontage et le recyclage des appareils électroniques (ou le traitement des déchets électroniques), mais également, plus récemment, le soutien à la réparation et la réutilisation d’appareils numériques. La France, par exemple, a introduit un indice de réparabilité des produits électroniques qui permet aux acheteurs de prendre des décisions éclairées.[6]
Les principes directeurs relatifs à la conception qui reposent sur les principes de l’économie circulaire (voir, par exemple, les communications de la Commission européenne COM033-2017[7] COM614-2015[8]et COM773-2016)[9]peuvent être classés en groupes de principes directeurs pour une conception circulaire[10]:
1. Prolonger la durée de vie : Ce groupe inclut les principes directeurs en lien avec l’allongement de la durée de vie et la durabilité des produits. Ceux-ci recommandent d’adapter leur conception et d’étudier la possibilité d’évoluer vers de nouvelles versions ou de concevoir des produits intemporels qui garantissent que les produits sont utilisables aussi longtemps que possible.
2. Désassemblage : Ce groupe inclut les principes directeurs en lien avec la structure du produit et l’accès à ses composants, en distinguant :
- les connecteurs - les principes directeurs en lien avec la connexion des systèmes pour faciliter leur désassemblage; et
- la structure du produit - les principes directeurs en lien avec l’emplacement des principales pièces et composants pour en faciliter l’accès.
3. Réutilisation des produits: Ce groupe inclut les principes directeurs qui permettent la réutilisation totale du produit grâce à des tâches de maintenance et de nettoyage aisées, et la réutilisation de ses composants.
4. Réutilisation des composants: Ce groupe inclut les principes directeurs qui recommandent de faciliter la réutilisation des composants ou pièces du produit grâce à la standardisation des composants, la réduction des différentes pièces, etc.
5. Recyclage de matériaux: Ce groupe inclut les principes directeurs qui facilitent l’identification, la séparation et le recyclage des matériaux.
Le secteur de la standardisation de l’Union internationale des communications (UITT) de l’ONU a élaboré une recommandation pour une méthode d’évaluation de la notation circulaire[11]
inspirée de ces principes directeurs qui permet de calculer le score de circularité d’un produit des technologies de l’information et de la communication (TIC). Plusieurs fabricants et gouvernements ont validé la recommandation.
Right to Repair est une campagne en Europe (et d’autres régions) qui met l’accent sur le droit à entretenir et modifier les appareils. Celui-ci implique une bonne conception (fonctionner, durer, être réparé, en lien avec l’écoconception) ; aider les consommateur·rice·s à faire un choix éclairé (les fabricants indiquent le niveau de réparabilité à l’aide d’un système de notation, voire d’une étiquette énergétique et des informations sur l’obsolescence et la durabilité, par exemple) ; et un accès équitable à la réparation (instructions de réparation et accès équitable aux pièces détachées). La Repair Association aux États-Unis (repair.org) poursuit des objectifs similaires à ceux de la campagne européenne du Right to Repair (repair.eu).
Une bonne politique de circularité de la part des propriétaires des marques implique d’assurer la maintenance et la fourniture des pièces détachées aussi longtemps que le produit peut être utilisé, ou de rendre les informations sur la conception du matériel et des logiciels d’un produit gracieusement disponibles au public. Cela inclut les informations sur les puces et la disposition de la carte de circuit imprimé, l’accès aux schémas mécaniques, les schémas et listes de matériaux, et les informations relatives au logiciel qui fait fonctionner le matériel. La communauté des utilisateurices désirant prolonger la durée de vie d’un produit pourrait ainsi prendre le relais, tandis que la communauté technique serait à même d’analyser, commenter et contribuer aux améliorations de la conception, et de faciliter la maintenance, la réparation et les mises à jour.
La fabrication
Les buts et cibles
Le processus de fabrication implique les fournisseurs de composants et de pièces détachées, les fabricants d’équipements d’origine (OEM), l’assemblage et la distribution. Plusieurs types d’entreprises sont impliquées dans le processus de fabrication: celui-ci va de la fabrication des petits composants, puces, cartes de circuit imprimé et autres pièces, telles que les batteries et les écrans d’affichage, à l’assemblage des appareils, ainsi que l’emballage et le transport tout au long de la chaîne d’approvisionnement jusqu’aux distributeurs et aux vendeurs.
Les responsabilités
Les gouvernements sont responsables de réglementer le secteur de la fabrication afin de garantir des conditions de travail décentes, l’absence de substances dangereuses dans la fabrication, la consommation minimale d’eau, d’électricité et autres ressources dans le processus de fabrication, et l’absence de pollution environnementale pendant le processus de fabrication. Les fabricants sont responsables de prendre en compte ces réglementations et de surveiller la chaîne d’approvisionnement pour garantir le respect des standards de qualité, et notamment les standards relatifs aux conditions de travail et à l’environnement.
Les fabricants sont également responsables de fournir des pièces détachées pendant des périodes plus longues afin de maximiser la durabilité de leurs appareils, et de permettre l’entretien des logiciels, notamment des mises à jour de sécurité, même lorsque leur propre période de maintenance active est terminée. Les marques sont responsables de garantir le recyclage et la récupération des ressources dès lors qu’un appareil n’est plus utilisé.
Les procédures
Les marques commerciales sont sensibles aux forces du marché et à la perception du public, si bien que les actions de pression et de plaidoyer en faveur de la responsabilité de la chaîne d’approvisionnement peuvent constituer des revendications indirectes auprès des entreprises de fabrication technologique. De nombreux processus en sont concernés, allant de l’acquisition des matières premières à la fabrication, à l’emballage et au transport, ainsi qu’au recyclage et à une réutilisation adéquate des matériaux.
L’augmentation de la demande en aval d’informations sur les produits et d’une responsabilité des producteurs doit être favorisée grâce à un renforcement de l’expertise des parties prenantes au sein de l’écosystème de la réutilisation et du recyclage. Ceci a pu être fait en Finlande, notamment.[12]
Il est essentiel de disposer d’informations sur la composition chimique et matérielle des produits afin de protéger la santé de toutes les personnes qui travaillent avec ces appareils. Une taxe sur les produits chimiques utilisés visant à tenir les producteurs financièrement responsables ouvrirait une voie franche vers le financement du contrôle et de la réglementation des produits chimiques et des déchets toxiques. C’est là une des revendications du Centre pour la loi environnementale internationale (CIEL) et du Réseau international pour l’élimination des polluants (IPEN).[13]
L’importation d’appareils est de la responsabilité des agences douanières, qui peuvent inclure un critère de circularité relatif aux importations, de même que des taxes visant à stimuler la circularité ou à compenser les effets négatifs des appareils numériques dans le pays de destination. Le respect des standards relatifs à l’environnement et au travail, la responsabilité élargie des producteurs, l’approbation de certains types d’appareils seulement, les évaluations obligatoires des impacts et la traçabilité obligatoire des appareils sont quelques exemples de mesures et d’exigences de réglementation transfrontalière.
Les classements mondiaux et régionaux de la recyclabilité, la durabilité et la réparabilité, ainsi que des méthodes standardisées d’évaluation peuvent contribuer à mettre ces réglementations en place. Il devrait être envisagé d’empêcher l’exportation d’appareils numériques, nouveaux ou usagés, vers des pays sans réglementation minimale relative aux déchets électroniques.
Acquisition et approvisionnement
Les buts et cibles
L’acquisition d’appareils est essentielle pour l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Les décisions en la matière doivent être prises non seulement en termes de performances et de limites des coûts, mais également en ayant conscience des effets et des limites sociales, économiques et environnementales dans la chaîne d’approvisionnement. En achetant un appareil numérique, nous approuvons de manière implicite les décisions de la chaîne d’approvisionnement, et les soutenons.
Les responsabilités
L’acquisition implique des décisions dans lesquelles le choix donne aux acheteureuses la possibilité de réclamer des informations et le respect d’exigences en matière de travail et de qualité environnementale, ainsi que de promouvoir des comportements vertueux au sein de la chaîne d’approvisionnement.
Les procédures
L’approvisionnement doit être guidé par le principe de l’équilibre entre "la bonne chose" et "la bonne manière". La bonne chose est d’obtenir le meilleur rapport quallité-prix lors de l’achat d’un appareil numérique, alors que la bonne manière consiste à le faire sans impact négatif sur les communautés, les travailleureuses ou l’environnement.
Des commandes publiques responsables garantissent le droit d’accès à des appareils dont une administration publique ne veut plus, et qui avaient été achetés avec de l’argent public. Ces appareils ne peuvent pas être recyclés de manière prématurée ni donnés à des fabricants pour éviter la réutilisation. Ceci peut être mis en place sous la forme de clauses dans les contrats de commandes publiques et d’accords de cession automatique vers des circuits de réutilisation à but non lucratif dès la fin de l’utilisation. Les recommandations de la Commission européenne relatives aux commandes publiques en faveur d’une économie circulaire sont une initiative en ce sens.[14]
Le conseil municipal de Barcelone est un bon exemple d’institution ayant collaboré avec des circuits de réutilisation : la contribution du conseil ne consiste, en effet, pas uniquement à donner des appareils qui ne servent plus, mais bien également à promouvoir la demande en recourant à des commandes publiques durables.[15]La première étape pour les pays ou régions qui souhaitent développer des processus de commandes publiques socialement responsables est de tenter de créer des "groupements d’achat", connus plus officiellement sous le nom de consortiums d’approvisionnement.[16]
En regroupant les achats, la mise en place de consortiums d’approvisionnement permet d’acquérir le pouvoir nécessaire pour exiger des fournisseurs le respect des droits du travail et de l’environnement lors des processus de fabrication.
Les exigences des acheteurs publics et des consortiums d’approvisionnement peuvent entraîner des répercussions positives pour le consommateur ordinaire, car les changements opérés au niveau des processus de fabrication s’appliqueront également aux produits de détail.
Il pourrait être nécessaire de définir de nouveaux critères pour les processus d’audit des pratiques des acheteurs publics afin de veiller à ce que les commandes publiques respectent une série de standards en matière d’environnement et de droits humains lors des décisions d’achat.
Des commandes publiques responsables peuvent être associées à des pratiques d’investissement durable de la part d’investisseurs publics (par exemple des fonds de pension), pour avoir plus de poids au moment de passer des contrats avec le secteur de la fabrication.
Les taxes publiques devraient être incitatives pour l’économie circulaire. Les incitations fiscales pour des options telles que la rente, la location-achat, le crédit-bail et le paiement à l’utilisation, au lieu de l’achat, devraient être explorées.
La taxation peut également entraîner des conséquences environnementales négatives. En voici quelques exemples :
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) favorise l’achat : Dans une économie linéaire, la valeur totale d’un produit est payée à l’achat alors que dans des modèles circulaires, les recettes sont obtenues sur une plus longue durée. Selon une étude sur les mesures politiques nécessaires à la promotion de modèles circulaires de revenus:
Dans le cadre du régime fiscal actuel [...], les producteurs ayant des relations de location-achat avec les clients doivent toujours payer la TVA sur l’ensemble des revenus attendus pendant la période de location, car une location-achat est considérée comme la fourniture différée d’un bien
Dans le cadre du régime fiscal actuel [...], les producteurs ayant des relations de location-achat avec les clients doivent toujours payer la TVA sur l'ensemble des revenus attendus pendant la période de location, car une location-achat est considérée comme la fourniture différée d'un bien.[17]
La TVA favorise de nouveaux produits: La TVA peut être payée plus d’une fois sur les produits d’occasion ou recyclés s’ils sont taxés de la même manière que les nouveaux produits à chacune des transactions les concernant. Comme l’indique cette même étude:
Pour stimuler le recours aux produits d’occasion, reconditionnés, refabriqués ou recyclés, la TVA pourrait être exclue ou très fortement diminuée pour les produits (pièces) qui ont déjà été vendus une fois. Pour que cela fonctionne, les informations sur les propriétés du produit, dont le ratio de nouveaux composants et matériaux par rapport à ceux qui sont réutilisés, sont essentielles - par exemple en ayant recours à des passeports pour les matériaux
Pour stimuler le recours aux produits d'occasion, reconditionnés, refabriques ou recyclés, la TVA pourrait être exclue ou très fortement diminuée pour les produits (pièces) qui on déjà été vendus une fois. Pour que cela fonctionne, les informations sur les propriétés du produit, dont le ratio de nouveaux composants et matériaux par rapport à ceux qui sont réutillisés, sont essentielles - par exemple en ayant recours à des passeports pour les matériaux.[18]
Telle qu’abordée au Module 8, la servitisation indique que, dans certains cas, l’approvisionnement peut être mis en place en tant que contrat de service pour plusieurs unités d’ordinateurs dotés d’une certaine capacité, au lieu d’impliquer la "possession" des appareils eux-mêmes. C’est là une des manières d’éviter les impacts environnementaux négatifs des régimes fiscaux de la TVA qui favorisent l’achat de nouveaux produits.
Notes au bas de page
[1] Ostrom, E. (2009). A Polycentric Approach for Coping with Climate Change. The World Bank. https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1494833; voir également Finlay, A. (Ed.) (2010). Observatoire mondial de la société de l’information 2010: ICTs and environmental sustainability. APC & Hivos. https://giswatch.org/en/2010 et Finlay, A. (Ed.) (2010). Observatoire mondial de la société de l’information 2020: Technology, the environment and a sustainable world: Responses from the global South. APC & Sida. https://giswatch.org/2020-technology-environment-and-sustainable-world-responses-global-south
[2] Raworth, K. (2012). A Safe and Just Space for Humanity: Can we live within the doughnut? Oxfam. https://policy-practice.oxfam.org/resources/a-safe-and-just-space-for-humanity-can-we-live-within-the-doughnut-210490
[3] Interreg Europe Subtract. (2020). Good Practices. Newsletter #2. European Union. https://www.interregeurope.eu/fileadmin/user_upload/tx_tevprojects/library/file_1595484272.pdf
[4] Commission Européenne. (2013, 8 juillet). European resource efficiency platform pushes for 'product passports’. https://ec.europa.eu/environment/ecoap/about-eco-innovation/policies-matters/eu/20130708_european-resource-efficiency-platform-pushes-for-product-passports_en
[5] Roura Salietti, M., Flores Morcillo , J., Franquesa, D., & Navarro, L. (2020). Reusing computer devices: The social impact and reduced environmental impact of a circular approach. Dans A. Finlay (Ed.), Global Information Society Watch 2020: Technology, the environment and a sustainable world: Responses from the global South. APC & Sida. https://www.giswatch.org/node/6270
[6] Wilts, C. H., Bahn-Walkowiak, B., & Hoogeveen, Y. (2018). Waste prevention in Europe: Policies, status and trends in reuse in 2017. European Environment Agency. https://doi.org/10.2800/15583
[7] Direction générale de l’environnement (Commission européenne). (2017). Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relatif à la mise en œuvre du plan d’action en faveur de l’économie circulaire. https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/a3115190-ed26-11e6-ad7c-01aa75ed71a1
8] Commission européenne. (2015). Boucler la boucle - Un plan d’action de l’Union européenne en faveur de l’économie circulaire. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52015DC0614
[9] Commission européenne. (2016). Communication from the Commission – Ecodesign Working Plan 2016-2019. https://ec.europa.eu/docsroom/documents/20375
[10] Bovea, M. D., & Pérez-Belis, V. (2018). Identifying design guidelines to meet the circular economy principles: A case study on electric and electronic equipment. Journal of Environmental Management, 228, 483-494. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301479718308855
[11] ITU-T. (2020). Recommendation L.1023: Assessment method for circular scoring. https://www.itu.int/rec/T-REC-L.1023-202009-I/en
[12] Wilts, C. H., Bahn-Walkowiak, B., & Hoogeveen, Y. (2018). Op. cit.
[13] Center for International Environmental Law and International Pollutants Elimination Network. (2020). Financing the Sound Management of Chemicals Beyond 2020: Options for a Coordinated Tax. https://ipen.org/site/international-coordinated-fee-basic-chemicals
[14] Commission européenne. (2017). Public procurement for a circular economy: Good practice and guidance. https://ec.europa.eu/environment/gpp/circular_procurement_en.htm
[15] Roura Salietti, M., Flores Morcillo , J., Franquesa, D., & Navarro, L. (2020). Op. cit.
[16] Electronics Watch. (2020). Public Procurement in Times of Crisis and Beyond: Resilience through Sustainability. https://electronicswatch.org/public-procurement-in-times-of-crisis-and-beyond-resilience-through-sustainability_2579299.pdf
[17] Copper8, Kennedy van der Laan, & KPMG. (2019). Circular Revenue Models: Required Policy Changes for the Transition to a Circular Economy. https://www.copper8.com/en/circulaire-verdienmodellen-barrieres
[18] Ibid.
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