Skip to main content

Module 9 : La valeur et le coût des déchets électroniques

Les piles de déchets numériques dans les décharges sont un symptôme des décisions non durables prises par des fabricants, des consommateurs et consommatrices, et des décideurs politiques au gouvernement.

La phase post-utilisation ou "de résultat"

Après une ou plusieurs phases d’utilisation, un appareil n’a plus aucun usage possible et il parvient à la fin de sa vie. Lors de cette phase post-utilisation, nous qualifions l’appareil de déchet électronique alors qu’il n’est pas encore prêt à intégrer le flux des déchets. On peut procéder au "décyclage", c’est-à-dire le démonter pour séparer les matériaux de valeur des composantes en plastique qui, elles, seront déchiquetées.

Il existe des initiatives de recyclage des déchets électroniques très diverses dans le monde. Les intervenant·e·s sur la chaîne de recyclage sont également très nombreux·euses : des ramasseurs de déchets informels, qui ramassent les pièces de ferraille numérique dans les ménages et les décharges, aux usines de fusion de pointe, souvent installées dans les pays de l’hémisphère Nord. 

Ces différents processus d’élimination ont également des coûts et un impact distincts, qui sont tous bien documentés d’autre part.[1]

Le traitement correct des déchets électroniques peut coûter cher. Par exemple, alors que les appareils numériques sont démontables relativement facilement, certains processus de recyclage plus sophistiqués peuvent nécessiter des capacités de recyclage de niveau industriel. Les composants toxiques, tels que les batteries et les écrans, doivent également être traités de manière adaptée dans les décharges, et le marché pour les matières plastiques ignifugées dans les appareils numériques n’existe pas partout. 

Tous les pays ne disposent pas de la capacité de recyclage convenable pour les déchets électroniques, et l’option la mieux adaptée et la plus sûre doit être proposée, en fonction des ressources disponibles. Il faut pour cela procéder à une évaluation précise des capacités, et prendre en compte les impacts environnementaux et sociaux du processus de recyclage. 

En général, le traitement prend fin lorsque son coût est supérieur à la valeur des ressources extraites. Le traitement local, ou à proximité de la source, peut permettre de réduire les coûts, mais une autre manière de procéder est l’agrégation de volumes plus importants qui permet alors de profiter de processus plus sophistiqués d’extraction efficace de certains matériaux de valeur, et de limiter ainsi la part de matériaux à jeter. 

Qu’il s’agisse d’entreprises à but lucratif ou d’organisations à but non lucratif, les recycleurs ne peuvent pas se permettre de travailler à perte. Il faut donc que le recyclage des déchets électroniques soit financé, ce qui peut se faire par le biais du fabricant (programme de responsabilité élargie des producteurs), de la personne ou de l’organisation qui se défait des appareils, ou de l’acheteur·euse d’un appareil numérique, au point de vente. Ce paiement détermine la qualité et le seuil du processus de recyclage. 

Si le recyclage des déchets électroniques peut coûter cher, il est important de se rappeler que les déchets électroniques correctement recyclés peuvent représenter une ressource importante pour l’extraction de matériaux rares et précieux. En 2019, la perte de ressources secondaires suite à l’élimination des déchets électroniques a été estimée à 57millions dollars US.[2]

Un recyclage adéquat peut créer des emplois, et à l’inverse ne pas recycler correctement les déchets électroniques a un coût social et environnemental. La tentation d’exporter ses déchets électroniques vers des pays moins développés existe, sous couvert de déchets déclarés comme étant « des appareils d’occasion utilisables », car cela peut se révéler moins coûteux que le recyclage local. La Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination interdit l’exportation de déchets électroniques, mais les pays sans législation relative aux déchets électroniques peuvent devenir des cibles faciles pour le déversement de déchets électroniques. Ceci signifie que de nombreuses personnes pauvres dans le monde sont affectées négativement par les nombreux matériaux dangereux[3] que les déchets électroniques peuvent contenir, et qu’elles doivent prendre en charge un problème créé par des pays riches, sans disposer des capacités de recyclage, ni du savoir-faire nécessaires. 


Envoyer la note de notre connexion en ligne aux pays pauvres

Les déchets électroniques sont le flux de déchet à la plus forte croissance au monde. Ils sont le plus souvent éliminés avec les déchets généraux, ce qui entraîne la pollution des nappes phréatiques et autres systèmes naturels, et crée de graves problèmes de santé pour les communautés locales. Mais le sort de 82,6 % des déchets électroniques générés en 2019 demeurait incertain.[4] Des pays de l’hémisphère Nord continuent à exporter illégalement des déchets électroniques dangereux.[5]vers des pays de l’hémisphère Sud, malgré l’existence de traités tels que la Convention de Bâle. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, les travailleureuses informelles, et notamment des enfants, trient et traitent des déchets électroniques à la recherche de ressources et de minéraux précieux, entraînant de graves conséquences pour leur santé, polluant l’air, l’eau et la terre de leurs communautés. 


Les impacts sont effroyables sur les gens qui vivent dans ou près de décharges de déchets électroniques

Comme le souligne l’Organisation mondiale de la Santé : "Les enfants vivent, travaillent et jouent dans des sites informels de recyclage des déchets électroniques. Les adultes et les enfants peuvent être exposés à des vapeurs toxiques et des particules fines qu’ils inhalent, à des agents et produits chimiques corrosifs en contact avec la peau et à des aliments et de l’eau contaminés qu’ils ingèrent. Les enfants sont également vulnérables en raison d’autres voies d’exposition possibles. Certaines substances chimiques dangereuses peuvent ainsi être transmises de la mère à l’enfant durant la grossesse ou l’allaitement. Les jeunes enfants qui jouent en extérieur ou dans la nature portent souvent les mains, des objets ou de la terre à la bouche, augmentant ainsi le risque d’exposition. Les fœtus, les nourrissons, les enfants et les adolescentes sont particulièrement vulnérables aux dommages causés par les substances toxiques dans les déchets électroniques du fait de leur physiologie, leur comportement ou des voies supplémentaires d’exposition.”[6]


Et dans la pratique?

La plupart des grandes villes ont désormais un projet quelconque de recyclage des déchets électroniques en place. Et certains projets sont plus efficaces que d’autres. Des initiatives telles que le "Recyclatron" à l’Université autonome de Nayarit à Mexico,[7]qui a élaboré des projets participatifs de collecte et de gestion des déchets électroniques, ou l’usine de traitement expérimentale de déchets électroniques à l’Université Nationale de La Plata en Argentine sont la concrétisation d’efforts de recyclage et de mobilisation sociale.[8]Les études de cas du présent Module incluent l’expérience de Nodo TAU, qui a mis sur pied une usine de traitement des déchets électroniques en Argentine, Karo Sambhav en Inde et une initiative d’implication de la jeunesse dans le recyclage des déchets électroniques en République démocratique du Congo.

Note de bas de page

[1] Ambrosi, V. M. (2018). Successful electronic waste management initiatives.  Union Internationale des Télécommunications. https://www.itu.int/en/ITU-D/Climate-Change/Documents/2018/Successful-electronic-waste-management-initiatives.pdf

[2] Forti, V., Baldé, C. P., Kuehr, R., & Bel, G. (2020). The Global E-waste Monitor 2020: Quantities, flows and the circular economy potential. United Nations University (UNU)/United Nations Institute for Training and Research (UNITAR) – co-hosted SCYCLE Programme, International Telecommunication Union (ITU) & International Solid Waste Association (ISWA). http://ewastemonitor.info/wp-content/uploads/2020/07/GEM_2020_def_july1_low.pdf

[3] Tels que le plomb, le mercure, le cadmium, etc. Voir: https://en.wikipedia.org/wiki/Restriction_of_Hazardous_Substances_Directive  

[4] Forti, V., Baldé, C. P., Kuehr, R., & Bel, G. (2020). Op. cit.

[5] Shanmugavelan, M. (2010). Tackling e-waste. In A Finlay (Ed.), Observatoire mondial de la société de l’information 2010: ICTs and environmental sustainability. APC et Hivos.. https://www.giswatch.org/thematic-report/sustainability-e-waste/tackling-e-waste

[6] J. Pronczuk de Garbino, J. (Ed.) (2005). Children's health and the environment: A global perspective. Organisation Mondiale de la Santé. https://apps.who.int/iris/handle/10665/43162  

[7] Saldaña-Durán, C. E., & Messina-Fernández, S. R. (2020). E-waste recycling assessment at university campus: a strategy toward sustainability. Environment, Development and Sustainability, 23, 2493-2502. https://doi.org/10.1007/s10668-020-00683-4 and https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/s10668-020-00683-4.pdf

[8] Poll, S. (2019). E-waste pilot plant: Post implementation assessment report. Union Internationale des Télécommunications. https://www.itu.int/net4/ITU-D/CDS/PRJ/eBook/ImplementationReport/Implementation_Reviews_Argentina/docs/Implementation_Reviews_Argentina.pdf