Module 12 : Défis et pistes vers des solutions politiques : utilisation, réutilisation et déchets électroniques
Les politiques gouvernementales sont nécessaires pour garantir que les appareils numériques soient utilisés aussi longtemps que possible, puis correctement recyclés. Elles veillent également à faciliter ces mêmes processus. Toutes les parties prenantes, des gouvernements aux fabricants, en passant par les utilisateursrices d’appareils numériques, sont responsables envers l’environnement et les personnes vulnérables.
Usage et prolongation de la durée de vie
Comme nous l’avons vu au Module 8, la durée de vie d’un appareil numérique peut être divisée en phases de première utilisation et de réutilisation.
La phase de première utilisation
Les buts et cibles
Dans une économie circulaire, l’objectif est d’utiliser un appareil pendant aussi longtemps qu’il est possible de le faire dans la pratique, de pouvoir réparer aisément un appareil pour prolonger sa première utilisation, et de permettre à l’utilisateurrice de se séparer de l’appareil de manière responsable à la fin de la phase de première utilisation.
Les responsabilités
La responsabilité relative à une utilisation plus longue, et meilleure, d’un appareil ainsi que de sa mise au rebut adéquate repose sur l’utilisateurrice. Les gouvernements peuvent soutenir une meilleure utilisation avec des réglementations et des incitations, des réformes fiscales et en renforçant la capacité des opérateurrices en aval dans le circuit de réutilisation. Les entreprises peuvent soutenir une meilleure utilisation par la mise en place de pratiques comptables circulaires, le suivi des appareils à l’aide d’un inventaire et en se chargeant de les entretenir de manière adéquate.
Les procédures
Plusieurs éléments sont à prendre en compte dans la phase de première utilisation. L’un est que la propriété unique est socialement et environnementalement coûteuse.
Le partage d’équipement a le potentiel de permettre des taux d’utilisation supérieurs, tel que noté en Finlande.[1]En attendant, les prestataires informatiques en servitisation à but non lucratif permettent de transférer la responsabilité environnementale des utilisateurrices finauxales aux prestataires de service (en tant que propriétaires), tout en créant de la demande pour des appareils plus durables et modulaires, ce qui en facilite la réparabilité et l’évolutivité.[2]
Cependant, l’International Financial Reporting Standards (IFRS) 16, entré en vigueur le 1er janvier 2019, empêche la location. Ces standards stipulent qu’en plus des bailleurs, les locataires sont désormais également obligés de rendre des comptes sur les produits loués d’une valeur supérieure à 5 000 dollars US, ce qui ne manquera pas d’avoir un impact négatif sur les ratios de dettes, de levier et de solvabilité.[3]Les normes IFRS sont imposées dans plus de 140 juridictions et utilisées dans de nombreuses régions du monde,[4] ce qui est un obstacle pour la circularité.
Du point de vue financier traditionnel, les modèles circulaires de revenus (MCR) peuvent comporter des risques, qui doivent être atténués. Selon une étude sur les mesures politiques nécessaires à la promotion des MCR:
Du point de vue de l’évaluation des risques financiers traditionnels, la nature financière changeante des MCR les rend plus risqués. Les MCR se caractérisent par des flux périodiques récurrents de revenus, et donc des périodes d’amortissement plus longues. Ils représentent également un transfert de valeur des actifs vers les contrats.[...] Il est difficile pour les investisseurs d’attribuer des valeurs aux opportunités en matière de modèles circulaires d’affaires – tels que la durée de vie plus longue des produits et les valeurs résiduelles supérieures. À l’inverse, les risques imputés au fonctionnement avec des MCR – tels que l’extension du bilan et des flux de revenus incertains dans le cas des modèles de B2C [entreprises et consommateurs] – sont dominants.[5]
La budgétisation gouvernementale complique également la mise en œuvre des modèles circulaires. Comme le remarque la même étude, la structure des budgets des gouvernements rend parfois le fonctionnement avec les MCR plus difficile (budgets d’investissement c. budgets de fonctionnement). Ceci pousse les gouvernements à opter pour l’achat plutôt que de poursuivre avec les MCR, alors qu’ils pourraient donner l’exemple et jouer un rôle prépondérant dans la transition vers une économie circulaire.[6]
La dévaluation des appareils numériques dans la comptabilité limite l’économie circulaire. Ces révisions fiscales pourraient se révéler nécessaires pour corriger cet aspect:
Les entreprises sont encouragées à dévaluer les produits rapidement, jusqu’à 0€, car cela augmente les avantages fiscaux dont elles peuvent bénéficier. Cette dévaluation rapide diminue la valeur marchande perçue des produits usagés, ce qui constitue un obstacle au développement d’une économie circulaire dans laquelle la valeur des produits usagés est une condition préalable nécessaire. En outre, les normes de dévaluation limitent également la durée totale des périodes de location, de location-achat ou de paiement à l’utilisation.[7]
Pour ce qui est de l’élimination adéquate, les organisations publiques et privées devraient publier des rapports vérifiés d’impact environnemental. Sans vérification par des audits, les arguments avancés se résument à du marketing. En Europe, la directive de la Commission européenne sur les rapports non financiers[8] exige aux grandes entités d’intérêt public de plus de 500 employées (les entreprises cotées, les banques et sociétés d’assurance) de publier certaines informations non financières. Il existe également des principes directeurs relatifs aux rapports concernant les informations en lien avec le climat, qui visent à promouvoir des activités plus durables. Ces rapports devraient se traduire en pénalités ou avantages fiscaux.
La réutilisation
Les buts et cibles
Le secteur de la réutilisation est crucial pour la prolongation de la durée de vie des appareils numériques, l’orientation vers l’inclusion sociale et l’élargissement de l’accès aux appareils à une plus grande proportion de la population. Tel qu’abordé au Module 8, dès lors qu’un appareil a atteint la fin de sa phase de première utilisation, il peut être reconditionné pour prolonger son utilité à différentes fins. Des pièces qui fonctionnent peuvent également être extraites d’appareils qui ne sont plus opérationnels et être réutilisées dans d’autres appareils, tandis que d’autres pièces peuvent être recyclées pour en récupérer les matières premières secondaires.
Les responsabilités
Les entreprises sociales peuvent développer des opérations durables pour mettre en œuvre des modèles circulaires de consommation qui créent des emplois de qualité en vue de l’inclusion sociale. Les gouvernements peuvent également instaurer des incitations dans le secteur de la réutilisation, et les entreprises soutenir des initiatives de réutilisation par le biais de la responsabilité sociale des entreprises ou autres programmes.
Les procédures
Plusieurs considérations politiques sont à prendre en compte dans le cadre de la réutilisation. Ainsi, les structures fiscales actuelles, souvent des procédures et politiques qui découlent de modèles linéaires, impactent la réparation et la revente. Il y a lieu, en particulier, de réviser les structures fiscales qui impactent le travail et les ressources. Dans l’UE, 51 % des recettes fiscales proviennent de taxes professionnelles, et seulement 6 % de taxes sur les ressources. Comme l’explique l’étude sur les mesures politiques nécessaires à la promotion des MCR susmentionnée:
Une transition des taxes professionnelles vers des taxes sur les ressources stimulerait l’adoption de modèles circulaires d’affaires, car les activités de maintenance, de réparation et de reconditionnement requièrent beaucoup de main-d’œuvre et moins de ressources. [...] Plutôt que de taxer le travail, une taxe carbone peut être mise en place pour taxer l’utilisation de ressources naturelles et la pollution.[9]
De plus, des incitations fiscales devraient être envisagées pour les activités ayant un impact avéré sur les biens communs (sociaux et environnementaux), tels que le don d’appareils (semblable aux déductions fiscales pour les œuvres caritatives) et pour les activités qui contribuent à allonger la durée de vie des appareils (incitations à la réparation et la réutilisation par les particuliers et les organisations, notamment). Ces incitations devraient récompenser l’ajout de valeur plutôt que l’élimination des appareils, ou des modèles d’utilisation et de partage qui profitent à la société et à l’environnement, plutôt que la propriété.[10]
La campagne européenne pour le droit à réparer, Right to Repair (repair.eu), plaide en faveur du zéro taxe sur les réparations et reconditionnements, y compris la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), étant donné que les avantages sociaux et environnementaux excèdent le montant des taxes.
Un autre élément à prendre en compte est le fait que de nombreuses entreprises sociales sont nécessaires dans les domaines de la collecte, du reconditionnement, de la maintenance et du recyclage. Une seule personne (surtout si elle est bénévole) ou une seule organisation (telle qu’une entreprise sociale) ne peut pas répondre à l’ensemble des besoins en lien avec les appareils reconditionnés. Plusieurs organisations sont nécessaires pour assurer l’offre, et particulièrement au niveau de la gestion des importants volumes d’appareils donnés par des organisations qui agissent en qualité d’organisation faîtière pour un groupe d’entreprises sociales. La région des Flandres en Belgique, qui avait déjà des activités d’économie circulaire en 1993, compte plus de 120 centres de réutilisation, gérés par 31 entreprises sociales. Ces dernières bénéficient d’un soutien fort de la part des autorités locales et du gouvernement régional.[11]
De plus, des accords à long terme permettant de garantir l’offre d’appareils pour la réutilisation sont indispensables à la pérennité de l’activité. Cette garantie nécessite un important travail de relations institutionnelles avec les activités et programmes gouvernementaux et les entreprises qui collectent les appareils.[12]
En Espagne, la communauté eReuse a rédigé des accords publics pour les dons, par lesquels la Ville de Barcelone accepte de donner tous ses appareils non utilisés (en fin d’utilisation et inactifs) à une fédération d’organisations sociales de reconditionnement (dénommée circuit Pangea). Ces appareils offerts par le conseil municipal sont distribués entre les organisations participantes en fonction des capacités et de la demande, après avoir été triés pour être réutilisés ou recyclés. Les appareils reconditionnés pour être réutilisés doivent aller à des utilisateurrices vulnérables, généralement accompagné·e·s par une organisation sociale.[13]Tous les appareils doivent être recyclés lorsqu’ils parviennent au terme de leur durée de vie.
Les données sont essentielles dans la chaîne de valeur de la réutilisation. Sans traçabilité pour une redevabilité qui promeut le recyclage final, la réutilisation devient un problème environnemental, car il n’est pas possible d’imposer le recyclage. Des politiques doivent en effet être mises en place afin d’éviter le "blanchiment de l’impact environnemental" ou "blanchiment du CO2". Il existe des outils logiciels pour collecter les données et identificateurs d’appareils ; pour conserver un inventaire de l’appareil d’une utilisateurrice à l’autre, tel que des registres d’utilisation et des grandes étapes dans la vie d’un appareil (enregistrement, réparation, suppression des données, transfert vers une nouvelle utilisateurrice, mise à jour, recyclage final);[14];et pour générer des rapports sur l’impact global. Le circuit eReuse de Pangea s’engage à communiquer des informations sur la traçabilité à la Ville de Barcelone, qui enregistre notamment les données sur la prolongation des heures d’utilisation et le recyclage final, ce qui permet d’estimer l’impact social et environnemental d’un don.
Les données contribuent également à mesurer l’avantage social d’un centre de réutilisation en tant qu’activité. Selon une étude du Samenwerkingsverband Sociale Tewerkstelling[15] de 2018, la réinsertion d’une personne sans emploi par le biais d’un centre de réutilisation ou d’une entreprise sociale génère 12 000 euros de rendement net pour le gouvernement et la société.
Financer des recherches et des expériences pour prolonger la durée de vie d’appareils numériques et permettre leur réutilisation, comme dans le cas de la Finlande,[16] est une autre procédure recommandée.
Afin de contribuer à leur pérennité économique, les entreprises sociales qui réalisent des bénéfices sociaux et environnementaux validés devraient pouvoir profiter d’obligations sur l’impact environnemental[17]et d’obligations sur l’impact social correspondant à des investissements publics.
Déchets électroniques
Les buts et cibles
Le but ultime devrait être qu’un appareil qui ne sert plus à quiconque soit démonté et recyclé, avec le minimum d’impact négatif sur l’environnement. Extraire des éléments utiles et la plus grande quantité possible de matières premières secondaires, telles que des ressources circulaires pour la réparation ou la fabrication d’autres appareils, est l’objectif de l’économie circulaire.
Les responsabilités
Les gouvernements sont responsables de réglementer le recyclage des déchets électroniques, dont la récupération de pièces et matériaux et la limitation des décharges de déchets électroniques.
Les fabricants ont, quant à eux, la responsabilité du recyclage adéquat de leurs appareils qui sont vendus, utilisés et éliminés sur les marchés.
Les utilisateurrices qui possèdent des appareils, et notamment les organisations, entreprises et institutions, sont responsables d’apporter ces appareils dans des centres ou initiatives de recyclage, qui peuvent les recycler correctement.
Les procédures
La Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination constitue une réglementation relative aux transferts de déchets dangereux entre pays, qui concerne également les déchets électroniques. La définition du terme "déchet" n’est cependant pas toujours claire. Du fait de besoins socio-économiques différents, ce qu’un pays peut considérer comme des déchets électroniques peut constituer une ressource électronique dans un autre, avec la possibilité de réparer ou réutiliser des appareils numériques cédés. Cet aspect négatif de l’ambigüité de la définition provoque l’exportation de déchets électroniques vers des pays qui ne peuvent les prendre en charge, et des conséquences sociales et environnementales désastreuses. Le Global E-waste Monitor 2020 déclare:[18]
“Bilokos” Il n’y a pas de politique relative au recyclage des ordinateurs ou téléphones en République démocratique du Congo, qui est réalisé de manière informelle. Pendant de nombreuses années, des commerçants informels ont importé des biens d’occasion d’Europe pour les revendre en Afrique. Généralement désignés sous l’appellation de "bilokos" (pour "below cost", en deçà du coût, en anglais), les ordinateurs d’occasion importés comportent généralement des défauts de fabrication, mais sont vendus à bas coût après quelques réparations aux personnes dont le budget est imité pour un tel achat. Même les grands magasins qui vendent de l’électronique neuf ont des services de maintenance qui réparent des ordinateurs défectueux, pour ensuite les vendre. |
Les politiques, législations et réglementations relatives aux déchets électroniques protègent les travailleureuses formelles et informelles, le public et l’environnement. Toutes les régions et tous les pays ne disposent cependant pas de politiques pour le recyclage des appareils numériques. Selon le Global E-waste Monitor 2020, au mois d’octobre 2019, 71 % de la population du monde était couverte par une politique, législation ou réglementation nationale relative aux déchets électroniques. Moins de la moitié de tous les pays du monde étaient, à l’époque, couverts par une politique, une législation ou une réglementation.[19]
Figure 12 : Les pays en vert disposaient de lois nationales sur la protection environnementale conçues spécifiquement pour les déchets électroniques en 2019. (Source : https://globalewaste.org/map)
En outre, la législation freine souvent la réutilisation des déchets électroniques car, officiellement, seules certaines parties prenantes autorisées peuvent transformer en une ressource électronique utile un objet déclaré comme un déchet électronique. Dans l’Union européenne, par exemple:
La définition actuelle des déchets de la directive-cadre sur les déchets stipule que le comportement du/de la propriétaire d’une substance détermine si la ressource est considérée être un déchet, et non les propriétés de ladite substance. Dans le cadre de cette législation, trop de substances sont considérées comme des déchets, et la réaffectation innovante n’est pas prise en compte. Dès lors qu’une substance a été classée comme déchet, son commerce, son arbitrage, son transfert ou sa réception sans enregistrement ou permis devient illégal.[20]
Il est donc nécessaire de disposer de recommandations visant à renforcer les politiques de gestion des déchets électroniques.
Tout ceci souligne la nécessité de plaider en faveur de la mise en place d’un système de gestion des déchets électroniques auprès du gouvernement (législation, réglementation, supervision) afin de réglementer le recyclage des appareils numériques et la prise en charge de ceux qui ne peuvent être recyclés, conformément aux normes établies. Lorsque des appareils sont recyclés prématurément, les fabricants et recycleurs devraient payer les coûts sociaux, environnementaux et économiques (coût d’opportunité future) pour avoir à fabriquer de nouveaux appareils. Lorsque des appareils sont mal recyclés (du fait d’investissements insuffisants, par exemple), de nombreux matériaux dont l’extraction est plus coûteuse que la valeur des matières premières obtenues ne sont pas récupérés.
Selon le Global E-waste Monitor 2020,[21] les législations ou réglementations relatives aux déchets électroniques doivent inclure:
- les définitions du rôle des municipalités et du gouvernement;
- une définition claire de qui est responsable de l’organisation de la collecte et du recyclage des déchets électroniques;
- une définition claire de qui est responsable du financement de la collecte et du recyclage des déchets électroniques;
- un alignement national des définitions des déchets électroniques ;
- une structure de permis et de licences pour ceux et celles qui collectent et recyclent les déchets électroniques;
- une définition claire du terme "producteur", si le système repose sur le principe de la responsabilité élargie des producteurs (REP). Sans cela, aucun producteur ne se sentira obligé de le respecter et il sera plus difficile d’appliquer les dispositions juridiques de manière équitable à l’échelle du secteur;
- l’attribution d’obligations de collecter et recycler pour les producteurs;
- une description de la manière dont les entreprises s’enregistrent en tant que "producteurs"; et
- la documentation de leur statut de conformité et une description claire des buts et cibles de la législation.
Voici d’autres mécanismes et questions à prendre en compte:
- la taxe sur la mise en décharge des déchets industriels, sur la base d’un droit tarifaire pour chaque dépôt de déchets ;
- des ratios et quotas obligatoires pour le recyclage et la préparation à la réutilisation. En d’autres termes, il n’est pas autorisé de tout recycler : un quota minimum doit être attribué à la préparation à la réutilisation. L’Espagne, par exemple, a défini une cible de préparation à la réutilisation dans son plan national sur les déchets (2016–2022) à hauteur de 50 % d’ici 2020, dont 2 % seront des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) préparés à la réutilisation.[22]
- la collecte sélective des déchets électroniques, qui permet de les trier et les recycler spécifiquement;
- le rôle des recycleurs informels de déchets dans le système de gestion des déchets électroniques. En quoi est-ce que l’officialisation du système (par le biais de la création d’emplois formels et d’entreprises) impacte leurs moyens de subsistance ? Que peut-il être fait pour les inclure correctement dans la chaîne de valeur du recyclage?;
- la gestion des déchets électroniques en tant que service public. Certains spécialistes considèrent que la gestion des déchets électroniques n’est pas rentable, car elle implique des tâches pour lesquelles personne ne veut payer. Cette activité devrait être considérée comme un service public, comme le traitement d’autres types de déchets, et non seulement comme une activité économique.[23]; et
- le gouvernement devrait réserver certains appels d’offres pour des activités en lien avec le recyclage à des organisations de réinsertion uniquement (et non à des entreprises commerciales). Ceci permettrait à ces appels d’offres de présenter non seulement des avantages environnementaux, mais également un impact social par le biais de la stimulation de la réinsertion sociale.[24]
Outre la défense d’un plan efficace de gestion des déchets électroniques, la société civile a un rôle précis à jouer dans:
- l’éducation de la communauté aux bonnes pratiques de gestion des déchets électroniques;
- la cartographie du potentiel de réutilisation et réparation des déchets électroniques déposés dans les installations de recyclage, par le biais d’une étude exhaustive. Celle-ci inclurait, par exemple, l’analyse du potentiel et des obstacles à une gestion adéquate des déchets électroniques en collaboration avec les parties prenantes concernées, une enquête sur le potentiel des équipements déposés dans les centres de recyclage et la quantification des bénéfices environnementaux.[25]; et
- le soutien à l’élaboration de statistiques nationales des déchets électroniques. Depuis 2017, le Global E-waste Statistics Partnership (Partenariat mondial sur la statistique des déchets électroniques) a fait d’importants progrès nationaux et régionaux grâce à l’organisation d’ateliers sur les statistiques des déchets électroniques dans plusieurs pays. À ce jour, des ateliers régionaux de renforcement des compétences ont eu lieu en Afrique de l’Est, en Amériqeue latine, en Europe de l’Est et dans des pays du monde arabe.[26]
Listes de vérification des modèles d’actions politiques
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Extraction et exploitation |
Conception et fabrication |
Approvisionnement |
Utilisation, réparation, réutilisation |
Recyclage et gestion des déchets électroniques |
Importation/exportation et taxation |
Communauté locale |
Reconvertir les travailleureuse·s informelles au travail formel, par le biais de coopératives et d’entreprises sociales |
Syndicats locaux dans les usines de fabrication |
Groupements d’achat et consortiums d’approvisionnement locaux |
Communautés et réseaux de réparation |
Coopératives ou entreprises sociales |
Sans objet |
Activistes et ONG pour l’environnement |
Supervision indépendante des mines, campagnes publiques |
Campagnes publiques sur l’écoconception et la conception circulaire, suivi indépendant de la réparabilité et la durabilité |
Promotion de pratiques socialement et environnementalement responsables et de redevabilité |
Promotion de pratiques socialement et environnementalement responsables et de redevabilité |
Promotion de pratiques socialement et environnementalement responsables et de redevabilité |
Promotion de pratiques socialement et environnementalement responsables et de redevabilité |
Régulateurs |
Vérifiabilité, certification |
Vérifiabilité |
Vérifiabilité |
Vérifiabilité |
Responsabilité élargie des producteurs |
Vérifiabilité |
Responsables des politiques |
Réglementation, supervision, incitations, pénalités |
Approbation des différents types |
Promotion des commandes publiques et des consortiums d’approvisionnement responsables |
Pas de taxes sur les appareils réparés |
Politiques nationales sur les déchets électroniques |
Politiques nationales d’économie circulaire qui incluent la taxation |
Institutions publiques |
Sensibilisation à, et prise en compte des risques et responsabilités |
Sensibilisation à, et prise en compte des risques et responsabilités |
Commandes publiques responsables |
Inclusion dans les commandes publiques, la maintenance responsable, l’élimination/la cession responsable (maximisation de la réutilisation au lieu du recyclage) |
Responsabilité envers les impacts sociaux et environnementaux, redevabilité |
Préférence donnée aux fournisseurs locaux |
Marques et fabricants |
Responsabilité corporative envers la chaîne d’approvisionnement |
Conception en vue de la réparabilité et l’interopérabilité |
Transparence des achats individuels et en gros |
Documentation, redevabilité, pièces détachées |
Documentation, responsabilité élargie des producteurs |
Conformité aux standards nationaux et internationaux, transparence |
|
Extraction et exploitation |
Conception |
Fabrication |
Approvisionnement |
Utilisation, réparation, réutilisation |
Recyclage et gestion des déchets électroniques |
Éducation et sensibilisation |
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Manuels |
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Éducation publique |
|
Instruments économiques |
Taxe carbone |
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Taxe sur la consommation de matériaux, taxe carbone |
Taxe carbone |
Taxe carbone, taux de TVA différencié pour la réutilisation et la réparation |
Droit tarifaire pour l’élimination de déchets, taxe sur la mise en décharge |
Données fondées sur les informations |
Rapports de données ouvertes |
Certification de l’introduction de matériaux secondaires (recyclés) |
Étiquetage du % de matières premières, recyclabilité, réparabilité, durabilité, composition chimique et matérielle |
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Exigences et réglementation |
Transparence sur les sources et les conditions de travail et environnementales |
Durabilité, réparabilité, recyclabilité (écoconception) |
Responsabilité élargie des producteurs, transparence sur les sources, les conditions de travail et environnementales |
Économie du partage |
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Quota d’élimination EOL-RR[27] final, transport de déchets |
Assuré par le secteur public |
Recherche et développement publics |
Recherche et développement publics |
Recherche et développement publics |
Commandes publiques vertes, recherche et développement publics |
Recherche et développement publics, règles de dévaluation, éducation publique |
Recherche et développement publics, collectes sélectives |
Assuré par le secteur privé |
Données ouvertes, audit/vérification |
Données ouvertes, audit/vérification |
Données ouvertes, audit/vérification, manuels d’entretien |
Location-achat circulaire |
Données ouvertes, audit/vérification |
Données ouvertes, audit/vérification |
Citoyennes/OSC |
Supervision |
Supervision |
Supervision |
Supervision |
Supervision |
Supervision |
Annexe 3 : Recommandations de politiques connexes existantes
Plusieurs cadres mondiaux de politiques relatives aux appareils numériques valent la peine d’être mentionnés, dont les exemples suivants.
Du fait du défi que posent les déchets électroniques, la Résolution 200 de l’UIT-T a été révisée lors de la Conférence de plénipotentiaires de l’Union internationale des télécommunications (UIT) à Dubaï en 2018, et a donné lieu au programme Connect 2030. Une initiative mondiale dirigée par l’UIT, ce programme présente une vision, des buts et des cibles communs pour le développement des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le monde, que les États membres se sont engagés à atteindre d’ici 2030.
Le programme Connect 2030 appelle notamment à des cibles telles que "D’ici à 2023, le taux de recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques dans le monde sera porté à 30%" (Cible 3.2) et "D’ici à 2023, le pourcentage de pays dotés d’une législation relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques sera porté à 50%" (Cible 3.3).
Le programme Connect 2030 est en lien avec le Plan stratégique 2020–2023 de l’UIT, qui veille à ce que la technologie soit au service de l’humanité et de la planète par le biais de buts ambitieux : la croissance, l’inclusion, la durabilité, l’innovation et les partenariats.
En janvier 2020, l’UIT a également publié la Recommandation L.1470 : Trajectoires des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur des technologies de l’information et de la communication compatibles avec l’Accord de Paris adopté par la CCNUCC. Élaborée en collaboration avec la GeSI, la GSMA et la Science-Based Targets initiative (SBTi), cette recommandation offre aux entreprises des TIC des trajectoires en lien avec la réduction des gaz à effet de serre en vue d’atteindre les objectifs définis dans l’Accord de Paris. Des spécificités supplémentaires relatives aux trajectoires sont détaillées dans un document qui accompagne la recommandation, les Orientations à l’intention des entreprises du secteur des TIC qui souhaitent définir des cibles fondées sur des données scientifiques.
Le terme « zéro émissions nettes » est de plus en plus utilisé pour décrire un engagement plus complet envers la décarbonisation et l’action climatique, allant au-delà de la neutralité carbone et incluant souvent une cible de réduction des émissions fondée sur des données scientifiques, par opposition à la seule dépendance sur la compensation.
Tel qu’abordé dans le présent module, la Convention de Bâle des Nations Unies vise à supprimer le commerce des déchets dangereux, dont les déchets électroniques. Cette Convention est utile à l’élaboration de politiques nationales concernant les déchets. Ses objectifs en matière de déchets électroniques sont les suivants:
- Contribuer à l’élaboration d’inventaires et politiques nationaux relatifs aux déchets électroniques, dans le but de mettre en œuvre la Convention de Bâle.
- Tester et diffuser les lignes directrices techniques relatives aux déchets électroniques.
- Faciliter la collecte et l’échange de bonnes pratiques en matière de gestion sans danger pour l’environnement des déchets électroniques entre les parties, et notamment des informations sur les nouvelles technologies et des méthodes de production plus propres dans le but d’éviter et de limiter la production de déchets électroniques dangereux.
- Diffuser des informations relatives aux outils politiques, aux programmes de certification et aux initiatives régionales de gestion des déchets électroniques respectueuse de l’environnement, en incluant le récit d’initiatives réussies de transformation de déchets en ressources, matériaux récupérés et recyclage.
- Organiser des activités de formation sur l’application en vue d’améliorer les capacités des parties à superviser et contrôler les transports transfrontaliers de déchets électroniques et de faire respecter la Convention de Bâle.
Enfin, un rapport publié par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), intitulé Macroéconomie de la transition vers l’économie circulaire,[28] fournit des recommandations de politiques locales pour les pays souhaitant réaliser cette transition, dont les suivantes :
- des programmes de responsabilité élargie des producteurs (REP);
- des standards pour les matériaux recyclés;
- des exigences de sécurisation des informations relatives à la composition chimique et matérielle des produits; et
- la suppression progressive des substances dangereuses des produits, par le biais de:
o la révision des règles commerciales;
o la prise en compte des standards de recyclabilité et de réparabilité mondiaux et régionaux;
o des exigences en matière d’écoconception;
o des exigences relatives à la fourniture d’informations sur la composition chimique et matérielle des produits; et
o la reconnaissance mutuelle des programmes.
Résumé de la couverture politique des études sélectionnées. Source : OCDE (https://doi.org/10.1787/af983f9a-en)
Notes au bas de page
[1] Wilts, C. H., Bahn-Walkowiak, B., & Hoogeveen, Y. (2018). Waste prevention in Europe: Policies, status and trends in reuse in 2017. European Environment Agency. https://doi.org/10.2800/15583
[2] ITU-T. (2021). Recommendation L. 1024: The potential impact of selling services instead of equipment on waste creation and the environment – Effects on global information and communication technology. UIT. https://www.itu.int/rec/T-REC-L.1024-202101-I/fr; pour un exemple du modèle de servitisation, consulter l’étude de cas sur eReuse dans le présent guide.
[3] Copper8, Kennedy van der Laan et KPMG. (2019). Circular Revenue Models: Required Policy Changes for the Transition to a Circular Economy. https://www.copper8.com/en/circulaire-verdienmodellen-barrieres
[4] Et également en Corée du Sud, au Brésil, dans l’Union européenne, en Inde, à Hong Kong, en Australie, en Malaisie, au Pakistan, dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), en Russie, au Chili, aux Philippines, au Kenya, en Afrique du Sud, à Singapour et en Turquie.
[5] Copper8, Kennedy van der Laan, & KPMG. (2019). Op. cit.
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] Commission Européenne. (2017). Commission guidelines on non-financial reporting. https://ec.europa.eu/info/publications/non-financial-reporting-guidelines_en
[9] Copper8, Kennedy van der Laan, & KPMG. (2019). Op. cit.
[10] Roura Salietti, M., Flores Morcillo, J., Franquesa, D. et Navarro, L. (2020). Reusing computer devices: The social impact and reduced environmental impact of a circular approach. Dans A. Finlay (Ed.), Global Information Society Watch 2020: Technology, the environment and a sustainable world: Responses from the global South. APC et Sida. https://www.giswatch.org/node/6270
[11] Commission européenne. (2019, 18 Novembre). Leading the way in closing the loop: Circular Flanders. https://ec.europa.eu/environment/ecoap/about-eco-innovation/policies-matters/leading-way-closing-loop-circular-flanders_en
[12] Pour une étude plus approfondie de cette question, voir l’étude de cas sur Nodo TAU dans le présent guide.
[13] Roura, M., Franquesa, D., Navarro, L., & Meseguer, R. (2021). Circular digital devices: lessons about the social and planetary boundaries. In LIMITS ’21: Workshop on Computing within Limits. https://computingwithinlimits.org/2021/papers/limits21-roura.pdf
[14] Franquesa, D., Navarro, L., López, D., Bustamante, X., & Lamora, S. (2015). Breaking barriers on reuse of digital devices ensuring final recycling. In Proceedings of EnviroInfo and ICT for Sustainability 2015. Atlantis Press. https://dx.doi.org/10.2991/ict4s-env-15.2015.32
[15] Samenwerkingsverband Sociale Tewerkstelling. (2018). Sociale tewerkstelling met de reguliere economie. https://docplayer.nl/19740199-Sociale-tewerkstelling-in-synergie-met-de-reguliere-economie.html
[16] Wilts, C. H., Bahn-Walkowiak, B., & Hoogeveen, Y. (2018). Op. cit.
[17] Thompson, A. (2020, 2 juillet). Environmental Impact Bonds: Where are they now? UNC Environmental Finance Center. https://efc.web.unc.edu/2020/07/02/environmental-impact-bonds-where-are-they-now
[18]Forti, V., Baldé, C. P., Kuehr, R. et Bel, G. (2020). The Global E-waste Monitor 2020: Quantities, flows and the circular economy potential. United Nations University (UNU)/United Nations Institute for Training and Research (UNITAR) – co-hosted SCYCLE Programme, Union Internationale des Télécommunications (UIT) et International Solid Waste Association (ISWA). http://ewastemonitor.info/wp-content/uploads/2020/07/GEM_2020_def_july1_low.pdf
[19] Ibid.
[20] Copper8, Kennedy van der Laan, & KPMG. (2019). Op. cit.
[21] Forti, V., Baldé, C. P., Kuehr, R., & Bel, G. (2020). Op. cit.
[22] RREUSE. (2016, 28 avril). Spain first country to set target to stop reusable goods ending up in landfill. https://www.rreuse.org/spain-first-country-to-set-target-to-stop-reusable-goods-ending-up-in-landfill
[23] Fernández Protomastro, G. (2013). Minería Urbana y la Gestión de los RAEE. Ediciones Isalud. https://sigraee.files.wordpress.com/2013/10/libro-raee-completo.pdf
[24] RREUSE. (2016, 28 avril). Op. cit.
[25] Wilts, C. H., Bahn-Walkowiak, B., & Hoogeveen, Y. (2018). Op. cit.
[26] Forti, V., Baldé, C. P., Kuehr, R., & Bel, G. (2020). Op. cit.
[27]L’EOL-RR est le taux de recyclage en fin de vie (end-of-life recycling rate), soit la part de matériaux dans les flux de déchets qui est réellement recyclée (du point de vue des extrants).
[28] McCarthy, A., Dellink, R., & Bibas, R. (2018). The Macroeconomics of the Circular Economy Transition: A Critical Review of Modelling Approaches. OECD. http://dx.doi.org/10.1787/af983f9a-en
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